Que sont-ils devenus ?

Carrière exemplaire

L'un des plus beaux palmarès du football français, Éric Carrière, défie les Haguenoviens samedi en terres alsaciennes. L'occasion de revenir sur le parcours exceptionnel de ce joueur passé des feux de la rampe au quasi-anonymat, du côté de la Bourgogne.

On a beau chercher, on ne trouve rien. Pas même un petit quelque chose qu'on pourrait reprocher à Éric Carrière. Absolument rien. « Je n'ai pas de défaut !» s'amuse-t-il. «Je crois que je suis apprécié car je suis quelqu'un de simple et que j'aime les gens », rajoute-t-il humblement.
Et pourtant. Cet enfant d'Ariège élevé dans la campagne gersoise n'a pas été épargné par les coups durs. Ni les vexations. Recalé à deux reprises de Sports Études, le jeune Carrière aurait pu ravalé ses ambitions. Une volonté d'acier a eu raison de son avenir. Il persiste et signe. Éric, le vendeur de melons de la Nationale 124, veut devenir et sera footballeur.

« Heureux comme un gamin »

S'il fallait trouver la formule qui fit de ce milieu de terrain de poche l'un des plus talentueux joueurs de sa génération, elle tiendrait en un mot : plaisir. C'est lui et lui seul qui l'a guidé, dans chaque étape de son ascension. Quand à 18 ans, il joue en PH à Auch, il se dit « heureux comme un gamin ». Le foot amateur, il « adore ».
Ce sera finalement par lui qu'il accédera à l'élite du football français. « Quand j'étais en équipe 2 à Muret, je me disais : "Pourquoi t'essaierais pas d'être remplaçant en équipe 1, en National ?" Puis quand j'étais remplaçant, je me fixais comme objectif d'être titulaire. Ainsi de suite, jusqu'à ce que j'arrive à un seuil où je me suis dit : "T'es à ton meilleur niveau, tu pourras pas aller plus haut. »
A ce petit jeu-là, l'Auscitain triomphe. Repéré par le FC Nantes, il s'installe dans l'élite sans passer par la case Ligue 2. Le Canari fera des miracles pendant six ans. Deux coupes de France et un Trophée des Champions plus tard, c'est la rupture, forcément difficile, et l'attirance vers les lumières lyonnaises.
« J'étais jeune et je n'étais pas trop au fait des transferts, reconnaît-il. Pour faire simple, j'ai appris que l'OL avait fait une offre me concernant alors que le club m'avait dit que non. Je suis parti sans avoir pu m'expliquer sur cette histoire et les supporters croient que je n'ai pas de parole. Cela me peine car j'ai vécu une belle histoire avec Nantes. »

Meilleur joueur de D1 en 2001

Celle avec Lyon, à partir de 2001, s'annonçait tout aussi prometteuse. Le palmarès s'étoffe avec un trophée UNFP de meilleur joueur de D1 en 2001, quatre titres de champion de France et quatre trophées des champions. Puis l'expérience lensoise, achevée dans la douleur par la relégation. Puis l'équipe de France. « J'ai été sélectionné dix fois. Une expérience géniale. Un plaisir monstre de jouer au haut niveau. »
Éric Carrière a côtoyé l'élite du ballon rond pendant 12 ans. A 35 ans, cet « amoureux du football » comme il aime à se décrire, a pensé raccrocher à la fin de la saison dernière. « Je cherchais un nouveau challenge footballistique, humain et familial qui m'intéressait. Je voulais tout simplement ne pas me remettre dans une galère. »
Son regard se tourne vers la Bourgogne, une région qu'il connaissait seulement sur une carte. Fréquemment, il se perd dans Dijon mais avoue « se sentir bien ici. Je suis dans un club qui reflète mes valeurs. Beaucoup attendaient de voir si je ne faisais pas ma star en préretraite qui arrive pour prendre de l'argent. Je les comprends. Dans les yeux de mes partenaires, je vois que je suis totalement intégré. »
Même si son nouveau club, qui émarge à la 10e place de la Ligue 2, n'a pas la carrure d'un Olympique Lyonnais ou d'un RC Lens, le papa de trois filles y trouve l'essentiel. Il s'amuse toujours autant balle au pied.
Le néo-Dijonnais est déjà tout excité à l'idée de jouer contre un club amateur comme Haguenau. Une équipe qu'il a déjà croisée à une reprise, pendant la saison 94-95, avec Muret. Il a « l'impression » d'avoir gagner ce match. Sûr qu'il devait être heureux comme un gamin.

Amandine Hyver

FC Nantes. Après un mois d'absence, Khassimirou Diop a effectué son retour au sein du groupe professionnel. Une histoire d'hommes.

Nom : Diop. Prénom : Khassimirou mais ses amis le surnomment As. Profession : footballeur professionnel. Signes distinctifs : n'a participé à aucune rencontre sous le maillot du Football Club de Nantes depuis le début de saison, uniquement une mi-temps avec la réserve lors d'une confrontation amicale contre le Stade Rennais. Mieux, il n'a signé sa licence que la semaine dernière !

Porté disparu pendant un bon mois, le jeune milieu de terrain sénégalais vient donc de ressurgir au sein du groupe professionnel d'Élie Baup. « La semaine dernière, il m'a demandé pourquoi je traînais là. Je lui ai expliqué que j'avais été écarté et que l'on avait exigé que je m'entraîne avec le CFA. » Le on en question, c'est Christian Larièpe. Durant tout l'entretien, le natif de Dakar qui file doucement vers ses 22 ans, ne prononcera jamais son nom. Peut-être de peur d'être réprimandé. « Élie m'a dit : maintenant, tu suis notre programme. Je l'en remercie. Depuis Guirane (N'Daw) n'arrête pas de dire que c'est mon père ! »

En fait, Khassimirou Diop était prédestiné à rejoindre en début de saison Libourne Saint-Seurin, lanterne rouge de National, aujourd'hui entraîné par Stéphane Ziani, mais la DNCG s'est refusée au prêt, malgré la proposition du FCN de prendre en charge le salaire. Dans l'affaire, il a notamment connu quelques désagréments personnels. « J'avais en effet pris les devants en vidant l'appartement du club de mes meubles et de mon lit que j'ai renvoyé au bled par conteneur. Aujourd'hui, je dors donc à la dure. » Du moins, depuis qu'il a retrouvé le sommeil. « Certains jours, c'est vrai, je ne dormais pas, je cogitais. Tu es tellement isolé. Tu as honte de sortir, de peur de croiser des potes. La première question qu'ils te posent : alors toujours à Nantes ? Toi, tu n'oses pas avouer la vérité. C'est vraiment le moment le plus dur de mon existence. Je commence tout juste à me reconstruire humainement. »

Seul au milieu de la forêt

La piste Libourne refroidie, Diop bascule effectivement dans le néant. « J'ai été orienté vers le CFA mais m'entraîner sans jouer le dimanche, je n'en voyais pas l'utilité. Je me suis donc pris en main. » Et voilà comment ce milieu de terrain trapu (1,73m) mais costaud s'est retrouvé à effectuer des footings dans les bois de la Jonelière avec pour seul compagnon son chrono autour du cou. « C'est terrible de passer à côté du terrain et de voir les autres toucher le ballon, rire, travailler ensemble. Tu te sens seul, triste, écarté. Tu te demandes ce que tu as pu faire pour mériter un tel sort après dix ans passés au club. » Arrêter purement et simplement le football, l'idée lui a traversé l'esprit. « Aller taper dans un ballon pour le plaisir, j'y ai effectivement pensé. »

Dépositaire d'un contrat Élite jusqu'en juin prochain, Diop aimerait maintenant beaucoup répondre à cette politique de la main tendue. « Si je pouvais avoir la chance de démontrer au FCN qu'il n'a pas eu tort de me ramener du Sénégal et de me garder dix ans. C'est à moi de bien travailler jusqu'à janvier, février. Après, il sera toujours temps de faire des essais. » Même si on lui a murmuré dernièrement le nom de Bayonne (National), Diop, qui ne dispose pas d'agent attitré - « c'est difficile de trouver un club quand tu joues seulement dix minutes par çi, dix minutes par là. » - n'entend pas participer à la politique des courants d'air en vogue à la Jonelière depuis l'arrivée des nouveaux dirigeants. « Avec le coach, le courant passe bien, j'attends qu'il me donne ma chance. » Dans un coin de sa tête, résonne aussi les propos de Laurent Guyot. « Fais-toi mal et souviens-toi de tes potes, Frédéric Samaritano et Bocundji Ca, pour qui ça ne marchait pas comme ils le souhaitaient à l'époque. Aujourd'hui, la vie leur sourit. » Sans vouloir effrayer Khassimirou, par les temps qui courent, les gens heureux ne sont pas légions dans les allées de la Jonelière.

Ouest-France